L’observation précise du développement des enfants et des relations parents/nourrissons a mis en évidence l’importance des interactions précoces. Leurs faiblesses peuvent être source de grandes vulnérabilités du développement psychologique pendant la période périnatale qui comporte aussi la gestation, posant ainsi des enjeux majeurs pour le développement du bébé mais aussi lors de la période de remaniements psychiques importants de l'adolescence.

La Pre Priscille Gérardin a introduit cette séance en retraçant les grandes lignes de la recherche médico-psychologique concernant les effets très précoces du stress chronique et notamment pendant la gestation. En s’appuyant sur des études sur les animaux, en particulier les souris, la professeure a pu montrer en quoi la grossesse et l’adolescence sont des périodes majeures d’organisation et de réorganisation cérébrales et de sensibilité au stress. L’état émotionnel de la mère, interférant avec le développement fœtal, constitue un état de plus grande sensibilité lors de la période postnatale. Le stress pendant la grossesse pourrait également influer sur la réactivité du stress à l’adolescence. Toutefois, elle montre qu’il n’y a à aucun moment de parcours « prédictible » du développement de l’enfant et elle constate l’importance des rencontres et des interventions des professionnels, les plus précoces possibles pour diminuer les facteurs de risques, d’où l’intérêt de travailler l’interaction avec les tout-petits et celle des adolescents avec leur famille. Le peau à peau, l’allaitement, la mentalisation pour les grands, la scolarisation sont des facteurs de protection et ouvrent de nouvelles perspectives à différents moments du développement de l’enfant.

Puis, la Pre Gisèle Apter a présenté ses recherches sur les dysrégulations émotionnelles et les troubles de la relation liés à des attachements désorganisés apparaissant chez les personnalités borderline. En s’appuyant sur la théorie de l’attachement, elle a posé la question de ce qu’il se passe quand l’attachement mère-enfant est désorganisé. Les modalités d'interactions précoces, la valeur donnée par l'entourage aux comportements de l’enfant et les modes de réponse qui en découlent jouent un rôle essentiel dans la construction et le maintien de son estime de soi. La possibilité d'accéder à une autonomie d'action mais aussi de pensée sont très liées au type d'attachement. Si l'enfant n'est pas sûr de pouvoir toujours compter sur le parent ni de compter pour lui, la capacité de se séparer et d'explorer l'environnement est problématique. Elle s’appuie également sur les modèles animaux pour appréhender les facteurs toxiques du stress prénatal et de la négligence post-natale. Elle constate que le stress chez les populations vulnérables est présent chez les parents comme les enfants et que la majorité des parents borderline ont vécu des traumas répétés dans leur enfance. De nombreux risques obstétricaux entravent la parentalité de ces femmes (abus de substances, conduites à risque, RCIU[1], prématurité, précarité), posant la question d’une intervention précoce en protection de l’enfance. Gisèle Apter a terminé son intervention en montrant que la recherche est une aide dans les réponses thérapeutiques et institutionnelles.

Le Dr Romain Dugravier a présenté ensuite les recherches-actions reconnues et validées, étayant et évaluant les effets du travail des professionnels à domicile dans le champ de la prévention en santé mentale. Les visites à domicile (VAD) ont été peu étudiées. Il constate qu’existent en France des services de droit commun de qualité, sur tout le territoire comme la PMI mais que le financement de la PMI s’est effondré et que le nombre de VAD a été divisé par deux en 25 ans, ce qui pose de nombreuses limites pour ce type de dispositif. Il constate que les objectifs des VAD sont multiples, imprécis, mal hiérarchisés et que les professionnels de PMI ont peu de formations sur les questions de santé mentale. Il a présenté ensuite le projet CAPEDP[2], première étude française évaluant un programme de VAD pour les familles vulnérables. L’objectif était de prévenir précocement les troubles de santé mentale de l’enfant, de la dépression périnatale de la mère et des troubles de la relation parent-enfant. Des travaux anglo-saxons ont montré que les enfants qui avaient bénéficié d’interactions précoces avaient moins de conduite à risque à l’adolescence. Le projet CAPEDP a présenté de nombreuses limites et a été peu efficace sur les populations à haut risque et même avec des psychologues, d’où la création du projet PANJO[3], plus ciblée où la recherche est articulée aux services de santé et aux pratiques professionnelles. Romain Dugravier a mis ensuite en avant l’importance du principe d’universalisme proportionné où l’offre de service existe pour tous mais avec la possibilité du renforcement plus ou moins intense des interventions selon les besoins des familles. Cela permet pour lui de lutter contre « l’effet Matthieu » qui consiste en ce que les services publics universels proposés « passivement » bénéficient en réalité surtout aux personnes et aux familles qui en ont le moins besoin.

Enfin, la Dre Marie-Noëlle Vacheron a ensuite apporté des observations étayées de consultations auprès de mères présentant des troubles mentaux sévères, désireuses d’accéder à la maternité. La maternité correspond à un temps où des remaniements psychologiques importants se réalisent tant pour la femme que le couple et la famille. La période postnatale précoce est à haut risque d’épisodes psychiatriques sévères. Le suicide est la première cause de mortalité maternelle durant la période périnatale. Les grossesses chez les femmes atteintes de troubles mentaux sont fréquentes puisque 15 à 20% des femmes en cours de grossesse présentent un trouble mental (premier épisode ou rechute). Marie-Noëlle Vacheron a ensuite présenté les cas de grossesse avec schizophrénie où peu d’études existent, à la différence de troubles bipolaires où des études montrent le risque de rechute dans les jours post-accouchement. Le travail de prévention autour de la parentalité des patientes atteintes de troubles mentaux est essentiel. Il ne peut se concevoir que dans une approche pluriprofessionnelle, en tenant compte à la fois de la mère et de l’enfant.

 

[1] Retard de Croissance Intra-Utérin

[2] Compétences parentales et Attachement dans la petite enfance : Diminution des risques liés aux troubles de santé mentale et Promotion de la résilience

[3] Promotion de la santé et de l’Attachement des Nouveau-nés et de leurs Jeunes parents : un Outil de renforcement des services de PMI