Les orphelins en protection de l’enfance sont très peu visibles alors qu’ils représentent entre 18% et 31% d’orphelins d’au moins un parent parmi les enfants placés. L’arrivée relativement récente des mineurs isolés étrangers, orphelins pour moitié, entraîne une augmentation de ce phénomène qui tendait à diminuer au cours des dernières décennies.

Ce rapport a pour objectif de mieux connaître les parcours et les conditions de vie des jeunes en protection de l’enfance et plus particulièrement des orphelins placés. Les analyses reposent sur deux études réalisées à 5 ans d’intervalle. La première, Elapdossiers, une étude rétrospective à partir de dossiers archivés de l’Aide sociale à l’enfance et des tribunaux pour enfants permet de retracer les trajectoires de prise en charge de 809 jeunes placés au milieu des années 80. La seconde l’enquête longitudinale ELAP interroge directement 1622 jeunes encore placés à 17-20 ans et nés entre 1993 et 1996 et suit une partie d’entre eux dans le temps. Une seconde vague a été réalisée auprès de 756 jeunes 18 mois plus tard et deux autres vagues qualitatives ont permis de suivre plus d’une centaine de jeunes, dont une quarantaine d’orphelins. La question de l’orphelinage dans le placement est ainsi analysée au travers des témoignages des jeunes placés.

Plusieurs thématiques sont abordées afin de mieux comprendre les enjeux de la prise en charge des orphelins par la protection de l’enfance : les portraits de famille se distinguent nettement selon l’origine de migration des enfants protégés et les parcours de prise en charge répondent à ces mêmes logiques. Ainsi, pour les jeunes nés en France, seulement un tiers des orphelins de mère ont encore des liens avec leur père, la plupart des jeunes sont donc des orphelins « isolés ». À l’inverse, les trois quarts des orphelins de père gardent des liens avec leur mère, mais les situations sociales au sein de familles complexes nécessiteraient un accompagnement social et éducatif soutenu et un réel travail sur les liens entre mère et enfant. L’entourage de ces jeunes est ainsi caractérisé par des liens forts avec la mère, mais des liens réduits avec l’entourage familial élargi, mettant encore plus de poids sur la situation précarisée de ces mères où le soutien social et éducatif est primordial. L’entourage familial élargi est ou a été présent dans la vie des jeunes, soit durant une période temporaire de mise à l’abri avant que l’Aide sociale à l’enfance ne prenne le relais, soit dans le cadre d’une mesure qui confie le jeune à un « tiers digne de confiance ». Cette cohabitation même temporaire est primordiale, car elle permet un maintien des liens et évite de creuser l’isolement de ces jeunes. Pour les jeunes nés à l’étranger, malgré des liens parfois maintenus avec les parents survivants, c’est l’isolement sur le sol français qui sera le facteur clé de leur prise en charge, au risque parfois de se démunir de ressources favorables au mieux-être des jeunes. En effet, quelle que soit l’origine migratoire, les jeunes orphelins témoignent de la nécessité de pouvoir partager leurs souvenirs et ressentis avec d’autres membres de la famille.

Enfin, les conditions de sortie des jeunes dépendent avant tout des liens et de l’entourage mobilisable, tant dans la famille élargie, que les nouveaux liens construits au fil des années. Ceux-ci étant primordiaux pour leur situation résidentielle de court terme après la sortie. Mais ce rapport met aussi en évidence les effets pervers d’une logique d’un prolongement de l’aide aux jeunes majeurs sous condition d’isolement, laissant à la charge des tiers dignes de confiance, des mères encore présentes ou bien encore des frères et sœurs le poids de la sortie de placement. Et c’est au final, l’absence d’entourage parental qui mécaniquement va permettre aux jeunes de poursuivre un peu plus leurs études, dans la mesure où ils sont plus favorablement perçus comme nécessitant une prolongation de l’aide aux jeunes majeurs.

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